J'ai découvert le Yi-King avec un livre, c'était un ces livres avec des phrases compliquées, mais il était exotique et m'a diverti pendant quelques temps. Bien entendu, je n'ai pas compris grand chose à propos du Yi-King en le lisant et j'ai pensé que cela prendrait une vie entière d'études avec un professeur pour comprendre. A ce moment là, j'avais pratiquement perdu tout intérêt.
Puis un de mes amis a été porté disparu et pendant que nous attendions dans l'angoisse de ses nouvelles, je suis tombé sur un chapitre de ce livre décrivant l'hexagramme 5. Le texte disait que rien ne devait être entrepris, mais qu'il y avait de l'espoir parce que quelque chose allait arriver. Et je me suis dit: "C'est cette situation là.".
Soudain, tout a pris du sens : le Yi-King décrit des situations, les commentaires décrivent la meilleure démarche à suivre. Alors, mon intérêt croissant rapidement, j'ai acheté le livre de Richard Wilhelm qui m'a aidé à comprendre beaucoup de situations. A ce moment là, j'était certain que j'en comprendrais bientôt l'essentiel.
Mais, il y avait une difficulté, l'hexagramme 4 me barrait la route :
LA FOLIE JUVÉNILE possède la réussite.Ce n'est pas moi qui recherche le jeune fou, c'est le jeune fou qui me recherche.
Au premier oracle, j'informe.
S'il interroge deux, trois fois, c'est de l'importunité.
S'il est importun, je n'informe pas.
La persévérance est avantageuse.
De quelle manière ai-je interprété ce commentaire ? Posez votre question, recevez la réponse et allez vous-en. Ce principe était difficile a appliquer car j'étais encore un débutant, seulement capable de comprendre quelques traits.
Alors j'ai suivi cette règle, à contrecoeur, pendant une dizaine d'années. Mais chaque fois que recevais l'hexagramme 8 je me permettais de la transgresser à cause de ce commentaire :
Sonde l'oracle une fois encore pour savoir si tu as sublimité, durée et persévérance.Alors il n'y a pas de blâme.
Ainsi, n'est-il pas étrange qu'un commentaire vous dise "Un oracle suffit !" et que l'autre vous dise "Consulte encore l'oracle !" ? N'il y-a-t-il pas là un manque de cohérence ?
Avec le temps j'ai moins fait attention à la règle de l'hexagramme 4 et j'ai commencé à poser de plus en plus de questions sur le même sujet. Parfois la réponse était l'hexagramme 4 et je considérai que cette question aurait pu être évitée. Il est également arrivé que je consulte une fois, et après avoir décidé que je ne comprenais pas la réponse je découvrais son sens alors que j'étais en train de lancer les pièces pour la seconde fois.
Bien sûr, je ne me sentais pas très à l'aise avec cette manière de faire, l'hexagramme 4 pointait toujours un doigt accusateur vers moi : "Tu ne dois poser qu'une seule question !". La solution est venue d'un cours de communication où j'ai appris à reformuler les réponses de mes interlocuteurs pour m'assurer que je les avais bien compris. Cela fait deux questions et permet de résoudre l'apparente contradiction entre les hexagrammes 4 et 8. La sublimité, la durée et la persévérance représentent votre volonté de résoudre cette question. Alors, après avoir réfléchi, Sondez l'oracle une fois encore : si d'aventure votre interprétation était erronée, qui mieux que le Yi-King pourrait vous le dire ?
En avons-nous fini ? Pas encore, ce qui est décrit ici ne s'applique qu'aux personnes compétentes. Les personnes incompétentes en sont exemptées. La compétence et l'incompétence sont des notions relatives.
Si vous parlez le chinois couramment alors vous êtes compétent en langue chinoise, et si vous ne connaissez pas un seul mot de gaélique alors vous êtes incompétent en langue gaélique.
Une personne compétente en chinois peut poser des questions telles que la signification d'un mote particulier, ou au sujet d'un idéogramme. Une fois donnée l'information est supposée être acquise, ou bien cette personne n'a pas vraiment fait attention à la réponse.
Une personne incompétente en gaélique peut poser des questions telles que "Comment dites-vous bonjour ?" ou "Comment dire merci ?". Cette personne pourra éprouver des difficultés et cela prendra beaucoup de répétitions jusqu'à ce que le mot soit prononcé correctement. Ce ne serait pas juste de lui dire qu'une fois la réponse donnée, il n'y a plus rien à demander, n'est-ce pas ? Cette situation est naturellement décrite par l'hexagramme 18, trait 2 :
On aide les plus faibles avec douceur.
Considèrerons-nous que nous sommes compétents ou incompétents en ce qui concerne le Yi-King ? En tant que débutants nous sommes incompétents et quand nous progressons, nous sommes considérés comme compétents. Parfois nous pouvons comprendre, et parfois nous ne le pouvons pas. Alors, comment faire quand nous ne comprenons pas immédiatement, devons-nous déclarer notre incompétence ou réfléchir jusqu'à ce que le sens jaillisse ?
Quand j'ai consulté le Yi-King au sujet de hexagramme 4, j'ai naturellement demandé si c'était normal qu'une question ne puisse être posée qu'une seule fois. Voici la réponse que j'ai reçue :
Donner des repères à l'élève qui s'interroge, mais temporiser avant de répondre aux questions irréfléchies. Ainsi l'élève se fiera à son jugement.
Délai ! Nous avons besoin d'un délai, d'un temps de réflexion. Le commentaire de l'hexagramme 57.1 le confirme également :
On donne aux plus jeunes un délai pour finir la préparation. Ensuite, on leur montre leurs faiblesses et on répond à leurs demandes d'explications.
D'autres commentaires traitent également de cette question. Je vous laisse les découvrir par vous-même si vous interrogez le Yi-King à ce sujet.